Le mariage, au regard de la loi haitienne (formation ciblée)
1- Mariage, définitions et diverses acceptions
a) Au plan du droit civil, le mariage est l'institution par laquelle un homme et une femme s'unissent pour vivre en commun et fonder une famille. Le droit haïtien ne connaît pas le mariage des personnes de même sexe, encore moins une personne et un animal. Par conséquence, la violation de cette règle entraîne automatiquement des sanctions pénalement lourdes.
b) Acte solennel par lequel un homme et une femme établissent entre eux une union dont les conditions, les effets et la dissolution sont régis par le Code civil (mariage civil) ou par les lois religieuses (mariage religieux).
c) Le mariage dans la tradition chrétienne est l'alliance d'un homme et d'une femme, pour former un couple et fonder une famille.
d) L’approche alliancielle envisage le mariage comme une ordonnance créationnelle, enracinée dans la loi divine, qui crée un lien permanent entre un homme, une femme, et Dieu.
e) Si l’on se réfère à notre manuel d’Instruction civique et morale, écrit il y a plus de 30 ans, le mariage est « l’union légitime entre l’homme et la femme ». L’article 1er du décret du 8 octobre 1982 paru dans Le Moniteur no 75 du 28 octobre 1982 dispose : « Le mariage crée entre le mari et la femme des droits réciproques, vie commune, fidélité, mesure et assistance.»
Le mariage est également un acte solennel, c’est-à-dire qu’il suppose l’accomplissement de formalités particulières auxquelles sont subordonnées sa validité. Ceci emporte l’obligation de respecter les conditions de formes prévues par la loi. L’ensemble de ces dispositions est sanctionné par le législateur en fonction de l’intérêt qu’elles protègent.
2- Les types de mariages
a) Mariage civil
Le mariage civil est un mariage officialisé par une autorité publique d'un État, à la différence du mariage coutumier du mariage religieux.
b) Mariage religieux
À la différence du mariage civil, un mariage religieux est un mariage qui s'effectue dans le cadre d'une religion. Sa célébration doit se faire par devant un officier ministériel assermenté.
2- Aspect légal du mariage (Que dit la loi haïtienne?)
- Qui peut se marier ?
Selon la loi haïtienne : un homme et une femme.
- Quelles sont les pièces exigées ?
Voici les pièces requises par l'officier d'état civil ou par le ministre religieux lorsqu'on envisage de s'engager :
1. Copie originale de l'acte de naissance ou extrait d’archives des futurs époux en bonne et due forme ;
2. Preuve de résidence ou de domicile de l'un des époux dans la ville.
3. Carte d'identité valide des futurs époux ;
4. Certificat prénuptial des futurs époux émis par l'institut du bien être social et de recherches (IBESR) selon les prescriptions de la loi du 12 septembre 1961 créant le certificat prénuptial pour les futurs conjoints.
5. Les frais de services à payer pour l'obtention de l'acte de mariage.
Ces pièces sont exigibles non seulement par l'officier d'état civil dans le cadre d'un mariage civil, mais elles sont aussi requises par le ministre des cultes qui célèbre le mariage religieux. Tout dépendant de l'officier d'état civil ou de la ville dans laquelle le mariage va être célébré, l'on peut être dispensé de fournir le certificat prénuptial.
N.B : Pour le mariage des mineurs, on aura aussi la preuve de dispense d’age établie par le Président de la république, ou l’acte authentique du consentement des parents ou des autres personnes prévues par la loi.
- Quelles sont les conditions pour contracter un mariage ?
a) Pour contracter mariage en Haïti, l'article 133 du Code civil stipule que l'homme doit avoir dix huit ans accomplis et la femme quinze ans révolus. (Art 133, 149, 150 du cc)
b) Pour qu'il y ait mariage entre deux futurs conjoints la loi exige le consentement libre et éclairé entre les deux personnes intéressées qui s'engagent. Toutefois, le consentement des père et mère, des ascendants ou du conseil de famille se justifie lorsque les futurs époux n’ont pas atteint la majorité civile (18 ans)
(Art 74, 134, 136 à 138 du cc; Art 6, alinéa 6 de la loi du 26 janvier 1945 sur le mariage produisant des effets civils) . la violations de ces conditions et autres peut entrainer la nullite du mariage.
Les mariages interdits
Il existe dans la législation haïtienne des situations dans lesquelles le mariage est interdit :
- L’existence d’un mariage antérieur non dissous en est une,
- celle d’un lien de parenté ou d’alliance entre les futurs conjoints en est une autre
- La troisième situation concerne le délai de viduité (un an) de la femme dont le mari serait mort ou divorcé d’elle.
- Il est important d’insister sur la prohibition du mariage « entre l’adoptant, l’adopté et ses descendants ; entre l’adopté et le conjoint de l’adoptant et réciproquement entre l’adoptant et le conjoint de l’adopté ; entre les enfants adoptés du même individu ; et entre l’adopté et les enfants qui pourraient survenir à l’adoptant ».
La nullité du mariage
Le mariage peut-être frappé de nullité pour diverses raisons. La loi haïtienne évoque :
- la nullité relative face au mariage célébré avec « les vices de consentement de l’un des futurs époux » et « le défaut de consentement des parents ».
- Elle parle de nullité relative dans le cas où il y aurait défaut de consentement, bigamie, inceste, impuberté, clandestinité et incompétence de l’Officier de l’état civil et du Ministre des Cultes.
Qui peut s’opposer à la célébration de mariage de deux personnes ?
Si l’on reprend les termes de l’article 158 du Code Civil le droit de former opposition à la célébration de mariage appartient à la personne engagée par mariage avec l’une des deux parties contractantes. Toutefois, le père ou la mère peut s’opposer au mariage de leurs enfants mineurs à qui ils n’auront pas donné leur autorisation. Si le consentement du conseil de famille n’a pas été obtenu ou que l’un des futurs conjoints aura été frappé de démence alors le frère et la sœur, l’oncle ou la tante, le cousin et la cousine germains majeurs ont le droit eux aussi de former opposition contre le mariage d’un mineur.
Marche à suivre pour former opposition à la célébration d’un mariage
Le Code Civil a déjà tracé la procédure en ce sens à savoir l’acte d’opposition doit contenir la qualité de l’opposant, il énoncera élection de domicile dans le lieu où le mariage devra être célébré ; il devra contenir aussi les motifs de l’opposition. A cette phase le Tribunal Civil devra se prononcer sur le bien-fondé de l’opposition,. Au cas où le Tribunal se serait prononcé en faveur des opposant, la dite décision devra être signifiée au Ministre des Cultes (Pasteur, Prêtre Catholique) ou l’Officier de l’état civil qui sera tenu de s’abstenir la célébration du mariage. Par contre, Si l’opposition est rejetée, les opposants, autres néanmoins les ascendants, pourront être condamnés à des dommages-intérêts.
Les régimes matrimoniaux
On entend par régime matrimonial le statut qui, avant le mariage, sert à déterminer les biens qui composeront le patrimoine familial, définir les règles de gestion de ces biens durant le mariage, convenir d’avance du sort de ces biens lors de la dissolution du mariage (Dictionnaire Pratique du Droit, Tome 2, Le Particulier, p1175)
On parle de régime conventionnel et de régime légal.
Le régime conventionnel est un régime matrimonial dans lequel les règles légales du régime de communauté sont modifiées par le contrat de mariage des parties, soit de leur gestion, soit de leur composition.
Par contre, le régime légal est le régime matrimonial applicable par le seul effet de la loi à tous les époux qui se marient sans avoir fait au préalable un contrat de mariage (Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 1 ed 1987, p 169).
Le régime légal
Il est également appelé : régime de la communauté réduite aux acquêts (art.1283 et s. du code civil) et s’applique systématiquement aux époux qui ne choisissent pas de régime matrimonial particulier par contrat de mariage. Les biens du couple sont répartis en trois masses :
- les biens propres du Mari
- les biens propres de la femme
-
les biens communs (les acquêts)
Les biens propres sont ceux possédés avant le mariage ou reçus pendant celui-ci par héritage ou donation. Les biens communs sont constitués progressivement depuis le jour du mariage par les biens acquis par l’un ou l’autre des époux depuis cette date.
N.B : En Haïti, c’est le régime par excellence, généralement les haïtiens se marient sans faire le choix consciencieux d’un régime. Dans ce cas, le législateur leur impose ce régime. Pour choisir leur régime, les futurs époux doivent se rendre chez un notaire. Toutefois, la loi n’interdit pas à ce qu’on choisisse le régime de la communauté légale par devant le notaire.
Les régimes conventionnels
Le régime de la communauté à titre universel est une communauté conventionnelle. Les époux peuvent établir, par leur contrat de mariage, une communauté universelle de leurs biens, tant meubles, présents et à venir, ou de tous leurs biens présents seulement, ou de tous leurs biens à venir seulement. (Art. 1311 du code civil).
Le régime de la séparation des biens est un régime conventionnel qui exclut la communauté. Lorsque les époux ont stipulé par leur contrat de mariage qu’ils seraient séparés de biens, la femme conserve l’entière administration de ses biens meubles et immeubles, et la jouissance libre de ses revenus. (Art. 1321 du code civil)
N.B : il y a beaucoup d’autres régimes dont on ne parle pas ici.
Rappel : Au regard de l’article 1180 du code civil, toutes conventions matrimoniales seront rédigées, avant le mariage, par acte devant notaire.
Il est impossible de changer de régime matrimonial après la célébration du mariage, selon ce qui est prescrit à l’article 1181 du code civil. De ce fait, au regard de l’article 1182 du code civil, les changements qui y seraient faits avant cette célébration doivent être constatés par acte passé dans la même forme que le contrat de mariage. Nul changement n’est valable sans la présence et le consentement simultané de toutes les personnes qui ont été parties dans le contrat de mariage.
Le respect du délai de viduité
Pour éviter la confusion de part, la loi impose à la femme dont le mariage a été dissous l’obligation d’observer un certain délai avant de contracter un second mariage. En effet, si une femme se remariait par exemple un mois après la mort de son mari et donnait naissance sept mois après à un enfant, il y aurait confusion, à savoir si celui-ci est le fils du défunt ou du second mari. L’enfant pourrait en tout cas se prévaloir légalement de l’une et l’autre paternité, en vertu de l’article 293 du code civil.
Le délai en question est assez improprement dit « de viduité », car il ne s’applique pas seulement quand le mariage a été brisé par la mort de l’un des conjoints, mais aussi lorsqu’il a été dissous par le divorce pour cause déterminé au article 284 du code civil, ou par la condamnation à une peine perpétuelle afflictive et infamante selon les vœux de l’article 213 du code Pénal haïtien et lorsqu’il a été annulé, d’après la jurisprudence. Sa durée est d une année révolue.
Les effets du mariage/ Les responsabilités
Les effets personnels du mariage (les articles 189 à 196 du Code civil )
La législation haïtienne sur le mariage précise que les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et assistance. Parmi ces trois orientations de l’engagement matrimonial, seules la fidélité et l’assistance relèvent des effets personnels du mariage. Il convient de leur adjoindre le devoir d’assurer ensemble la direction de la famille, mais également leur obligation d’entretenir une communauté de vie.
1) Le devoir de fidélité
Le devoir de fidélité imposé par la loi à chacun des époux demeure l’apanage du mariage. Le respect de ce devoir suppose que ne soit pas commis l’adultère, c’est-à-dire que les époux ne doivent avoir aucune relation intime extérieure au mariage.
2) Le devoir d’assistance
L’accomplissement de ce devoir légal résulte le plus souvent des soins personnels dispensés à son conjoint placé en état de faiblesse mais aussi du réconfort moral apporté par l’un des époux au moment où l’autre en a le plus besoin ; et plus généralement de l’aide que s’offre mutuellement les partenaires mariés.
3) La direction morale de la famille
Cette obligation est également partagée par les époux. Chacun doit participer aux décisions relatives à leur vie commune.
Exemple: Les époux choisissent ensemble la résidence de la famille.
A ceci s’ajoute le devoir des époux de pourvoir à l’éducation de leur(s) enfant(s) sur le fondement de l’autorité parentale dont la loi en fait les détenteurs. A ce titre, les époux doivent ensemble veiller à protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité tout en exerçant à son égard le droit et le devoir de garde, de surveillance et d’éducation.
4) La communauté de vie
L’obligation des époux d’entretenir entre eux une communauté de vie dépasse largement l’exigence de la simple cohabitation. La loi affirme en effet la femme doit habiter avec son mari. C’est à celui-ci qu’il appartient en général de fixer le domicile matrimonial. Ayant des intérêts communs, ils doivent décider dans le meilleur sens de ces intérêts. Si le mari veut mener une vie errante, la femme n’est pas obligée de le suivre.
Elle suppose une communauté physique qui contient le devoir conjugal. Chaque époux est donc en droit d’attendre de l’autre que ce dernier se donne à des relations intimes. De plus le caractère réciproque de la communauté de vie favorise l’exécution spontanée des autres devoirs du mariage que nous venons d’exposer.
Pasteur Wilbert Georges
Consultants: Me Willy Sylvain et Me Fréderic Nerzin
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